Pour ceux d’entre nous qui avons commencé à investir dans les cinq dernières années, le marché boursier a été généreux avec des rendements exceptionnels de plus de 25% certaines années pour l’indice S&P 500. Ces rendements nous ont donné l’impression qu’on était des investisseurs avertis et qu’on savait ce qu’on faisait. Quiconque investissait dans n’importe quel fond négocié en bourse était presque certain d’avoir un rendement décent.
Le marché haussier des dernières années nous a également amené à surestimer notre tolérance au risque. Beaucoup d’entre nous avons opté pour des portefeuilles audacieux en considérant uniquement notre horizon d’investissement et les rendements potentiels. On estimait qu’on perdrait de l’argent avec des portefeuilles équilibrés. Si tu es comme moi, tu as même investi ton fonds d’urgence en pensant qu’un taux d’intérêt de 0.5% dans un compte d’épargne était une perte d’argent avec un marché aussi favorable (je le pense toujours).
Maintenant qu’on est officiellement dans un marché baissier et qu’on parle de plus en plus de récession, il est temps de réévaluer notre tolérance au risque. Comme on dit chez nous, c’est quand les temps sont durs qu’on reconnait les vrais durs. Cette période est idoine pour s’interroger si on est vraiment un investisseur audacieux et si on pense qu’un fonds d’urgence de 2 ou 3 mois est suffisant pour qu’on dorme paisiblement ou alors dans mon cas, si on veut vraiment avoir un fonds d’urgence investi en bourse.
En bref, il est temps de confronter ce qu’on pensait être et savoir quand le marché était favorable à ce qu’on est et sait maintenant qu’il l’est moins
Temps difficiles mais normaux
Avant toute chose, je reconnais que la période que nous vivons depuis le début de l’année d’un point des investissements est difficile. Voir le rendement de ses comptes fondre comme neige au soleil et peut-être passer dans le négatif n’est absolument pas agréable. En ce qui me concerne, je ne regarde plus mes comptes tous les jours parce que cela ne me fait aucun bien de voir des rendements négatifs de 10 ou 15%. Je sais au fond de moi que tout va aller bien mais il n’en demeure pas moins que le sentiment reste désagréable. Donc, si toi aussi tu vois tes comptes dans le rouge et que tu te dis que ce n’était peut-être pas une bonne idée de mettre ton argent à la bourse, permet moi de te dire que c’était et c’est toujours une bonne idée. Tout va aller pour le mieux.
Bien que les temps soient difficiles, ils sont cependant normaux. La bourse fonctionne par cycles. Il y a des cycles haussiers comme ceux qu’on a connu ces derniers années et il y a des cycles baissiers comme celui dans lequel on est en ce moment. Ces-derniers font couler beaucoup d’entre et de salive mais ils sont tout à fait normaux. Et c’est justement à cause de ces cycles qu’on conseille de bien connaître son niveau de risque avant d’investir.
Souvent quand on parle des rendements boursiers, on parle de 8 à 10% en moyenne, on peu alors croire qu’on obtient ces rendements pendant 25 années consécutives. Que nenni. Il s’agit d’une moyenne simple. Cela signifie qu’il y a des années comme 2021 où on obtient un 26,89% pour l’indice S&P500 et d’autres comme 2008 où on obtient -38,49%. En faisant la moyenne de ces rendements positifs et négatifs sur une longue période on obtient le 8 à 10% de rendement.
C’est difficile mais c’est normal.
Réévaluer mais ne pas changer
Même si je pense que c’est le moment parfait pour réévaluer sa tolérance au risque, je pense aussi que ce n’est pas nécessairement le bon moment d’apporter des changement drastiques à son portefeuille. À moins qu’on soit vraiment dans la panique et qu’on n’arrive plus à penser à autre chose. La panique n’est généralement pas bonne conseillère, mais si ça peut t’aider à mieux dormir la nuit de faire certains changements, alors pourquoi pas.
Par exemple, pour quelqu’un qui avait un portefeuille audacieux avec un robot-conseiller comme Wealthsimple, au lieu de changer de niveau de risque de 10 à 1, ce qui va entrainer la
vente d’actifs et donc a réalisation des pertes on peut ouvrir un autre compte avec le niveau de risque que l’on souhaite (1 dans ce cas), et commencer à investir dedans. Rappelons que les rendements négatifs que nous voyons en ce moment ne sont que théoriques. Ce n’est que lorsqu’on vends ses actifs parce qu’ils perdent de la valeur que l’on perd effectivement de l’argent. Mais lorsqu’on les garde (comme on devrait) en attendant les beaux jours, on ne perd rien du tout et c’est là qu’on obtient aussi les rendements moyens de 8 à 10% dont j’ai parlé précédemment. Si tu achètes quand tout va bien et vend quand tout va mal, tu vas un peu à l’encontre des principes de l’investissement en bourse.
Concrètement, réévaluer son niveau de risque consiste à se poser des questions sur les décisions que l’on a prises quand tout allait bien. Beaucoup de spécialistes du comportement affirme qu’on a tendance à être plus ambitieux lorsque tout va bien ou lorsque l’échéance de l’action est lointaine. C’est la raison pour laquelle les gens prennent les résolutions de faire de l’exercice cinq fois par semaine ou de manger plus sainement ou d’épargner plus mais ne le font pas le moment venu.
C’est la même chose pour le niveau de risque. Dans les dernières années, plus de risque était synonyme de plus de gains et c’est la seule chose qu’on considérait. Mais investir comporte des risques. On ne le dira jamais assez. Le risque ici n’est pas que la bourse s’effondre et ne récupère jamais de cet effondrement. Le risque est que toi, investisseur, tu vendes tes actifs lorsque la bourse est au plus bas et que tu perdes ainsi de l’argent.
Quand on parle donc de la tolérance au risque on fait référence à la capacité à dormir lorsque ses investissements affichent un rendement de moins 15% ou moins 20%, ne pas paniquer et prendre des décisions hâtives (ou alors paniquer mais ne pas prendre de décisions). Si dans les dernières années cette évaluation était théorique et on se disait, « ça va je peux supporter jusqu’à moins 15% » on est en plein dans le moins 15% et il est temps de faire un check-up avec soi-même si on le supporte vraiment bien.
Malheureusement, personne ne peut faire cette évaluation à notre place, on doit s’assoir avec nous même et écouter ce que notre cœur et notre tête nous disent dans la situation actuelle. Est-ce qu’on est anxieux, est-ce qu’on pense que cette fois peut être la fois de trop où la bourse ne va pas rebondir, est-ce qu’on est inquiet pour son avenir, son travail? Bref, comment on se sent en ce moment avec les rendements de notre portefeuille.
Accumuler plus de cash ou investir plus: telle est la question
Un des principes de la bourse est d’acheter les actifs lorsque les couts sont bas et les revendre lorsqu’ils ont pris de la valeur. Alors, on entend beaucoup en cette période des encouragements à « profiter des soldes » à « acheter dans le creux de de la vague », etc. Ces encouragements sont tout à fait valides mais comme on le dit depuis le début de cet article, il faut faire ce qui nous permet de bien dormir la nuit.
Si on est anxieux pour ses investissements ou pour une perte d’emploi en cas de récession, au lieu de tout vendre dans la panique, on peut arrêter d’investir pour le moment et commencer à épargner plus. Ça va faire du bien au moral de voir un compte dont la valeur augmente alors que d’autres sont en train de baisser. Lorsqu’on se sentira à nouveau prêt à investir, on le fera à son propre rythme. Le mot clé ici c’est vraiment d’écouter son cœur et de prendre les décisions qui nous permettent de dormir paisiblement la nuit.
Si par contre on est de ceux qui pensent que cette période est l’occasion idoine d’acheter ses actifs aux plus bas prix et qu’on a aucune inquiétude pour son emploi en cas de récession, on peut tranquillement continuer à investir.
Comme j’ai mentionné plus haut, je ne regarde plus mes comptes aussi régulièrement que d’habitude parce qu’ils ne sont pas beaux à voir. Mais au-delà de ça je ne m’en fais pas plus. Je crois que je suis de ceux qui aimeraient investir plus en ce moment si cela était possible mais cela fait aussi partie de l’évaluation que nous devons faire.
Qu’en est-il de mon fonds d’urgence investi en bourse?
Mon fonds d’urgence est toujours investi dans un portefeuille équilibré avec Wealthsimple. Mais je vais en commencer un autre dans un compte d’épargne. La situation actuelle n’a pas beaucoup influencé cette décision car jusqu’il y a quelques semaines, je continuais de mettre de l’argent dans ce compte. La principale raison est que mon fonds d’urgence est dans un CELI et j’ai presque maximisé mes contributions. Il faut donc que je libère l’espace qu’occupe ce compte, pour l’investir dans un portefeuille plus risqué comme mes autres CELI (que je considère comme des comptes d’épargne retraite). Je pourrais bien sûr le mettre dans un compte d’investissement non-enregistré mais je ne suis pas très confortable avec cette idée à cause des impôts à payer sur les gains en capitaux. Donc je me dis puisque c’est un argent qui doit être disponible rapidement, je n’ai pas envie d’aller m’amuser avec les gains en capitaux et autres complications d’un compte non-enregistré d’investissement.
L’autre raison pour laquelle je commence un fonds d’urgence dans un compte d’épargne est la mentalité de pénurie (j’en reparlerai dans un autre article). J’écoute et je lis beaucoup sur la psychologie de l’argent et j’ai récemment découvert que les gens (comme moi) qui ont une mentalité de pénurie veulent maximiser chacune de leur décision financière (quitte à investir son fonds d’urgence). On essaie de gagner sur tous les fronts. On ne veut rien laisser sur la table. Ce n’est pas la relation que j’ai envie d’avoir avec l’argent. Je veux que l’argent soit pour moi un moyen de profiter de la vie que je veux pas un maître qui dicte comment je vis ma vie. Donc je vais bâtir un fonds d’urgence de six mois, qui sera entièrement stocké dans un compte d’épargne.
Sinon, je vis en ce moment une situation qui nécessiterait que j’utilise mon fonds d’urgence. J’ai appris en mars que mon loyer ne serait pas renouvelé et que je devais me trouver un appartement. Depuis mon arriver au Canada, je vis dans des colocations tout inclus mais là, j’ai décidé de me prendre un appartement toute seule. À ce jour, je n’ai aucun meuble ou fourniture pour la maison donc je dois tout acheter, du matelas à la cuillère en passant par le sofa et la table à dîner. Tout cela coute beaucoup plus cher que je le pensais, mais jusque là je réussis à tout payer avec mon salaire. J’ai temporairement arrêter de contribuer à mes comptes d’investissements et je paie tout en espèces. Si j’avais un fonds d’urgence dans un compte, d’épargne, je pense que je puiserais dedans.
Oh et ma voiture est aussi en réparation parce que j’ai cogné quelqu’un par derrière (rien de grave, que des dégâts matériels) mais j’ai un fonds d’urgence pour ma voiture.
Pour finir, je veux juste réitérer que nous sommes dans une période idoine pour réévaluer ses décisions en matière d’épargne et d’investissement. On peut suspendre ses investissements et épargner plus, si ça aide à atténuer la panique ou alors investir plus si on se sent capable. L’essentiel c’est d’être en paix avec sa décision.