J’écoutais une fois un Balado où la présentatrice déplorait que les émigrés qui retournent au pays soient placés sur un piédestal et tout ce qu’ils disent ou font est acclamé et considéré comme parole d’évangile. Elle soulignait aussi que ces retours au pays natal sont souvent accompagnés d’un discours du genre : « il/elle a abandonné une belle carrière en Occident pour venir contribuer au développement de son pays », etc.
J’étais 100 % d’accord avec elle pour avoir personnellement vécu des situations où, à diplôme égal, les diplômés d’universités occidentales étaient recrutés à des postes permanents ou de responsabilité tandis que nous qui étions diplômés d’universités locales on se ramassait avec des stages ou des postes temporaires.
Mais, j’ai arrêté d’écouter son Balado quand elle a commencé à déblatérer sur la souffrance des émigrants, comment les carrières qu’ils prétendent souvent avoir laissées ne sont pas de véritables carrières, comment la vie qu’ils mènent est difficile, etc. C’en était trop pour moi parce que je ne pense pas qu’on combat les clichés en répandant d’autres clichés.
De même qu’il y a le cliché des émigrants qui sont des demi-dieux, un « contre-cliché » des émigrants qui souffrent essaie aussi de se faire sa place.
Mais bon, je digresse largement, car je veux parler aujourd’hui de l’achat de maison.
Pour nous les immigrants, l’achat d’une maison est souvent un signe de réussite. L’idée sous-jacente est que « si on est capable de se faire prêter une aussi grosse somme d’argent par une banque, ça signifie qu’on a quand même une certaine crédibilité et stabilité ».
Pour en arriver à convaincre la banque de te prêter de l’argent pour t’acheter une maison, il faut déposer une mise de fonds au moins égale à 5 % de la valeur de la maison. C’est le minimum requis au Canada.
Déterminer la valeur de la maison et de la mise de fonds
La plupart des experts ne recommandent pas de faire une mise de fonds minimale de 5 % parce qu’on va devoir payer une assurance prêt hypothécaire de la Société canadienne d’hypothèque et de logement (SCHL). Cette assurance est obligatoire lorsque la mise de fonds pour l’achat de votre maison est inférieure à 20 % de la valeur de la maison.
Une autre raison souvent évoquée contre le 5 % de mise de fonds est que l’équité sur la maison est engloutie par la prime d’assurance obligatoire. Au terme d’un achat avec 5 % de mise de fonds, on se retrouve avec à peine 2 % de la valeur nette sur la maison.
20 % de mise de fonds serait donc l’idéal, mais si on admet que le prix moyen d’une résidence est de 500 mille dollars, cela signifie qu’on doit épargner au moins 100 milles (sans compter les frais accessoires) pour accéder à la propriété. Je ne sais pas pour vous, mais ce chiffre m’a l’air un peu hors de portée pour l’individu lambda qui essaie de bâtir sa vie au Canada. À moins d’y consacrer 10 à 15 ans.
On peut donc couper la poire en deux et partir sur une mise de fonds de 10 % minimum. C’est un bon départ. On paie toujours l’assurance obligatoire, mais l’équité est d’environ 7 % sur la maison et on ne passe pas 10 à 15 ans à économiser pour la mise de fonds.
Une fois qu’on a déterminé le type de maison qu’on veut s’acheter, il faut donc se fixer comme objectif d’économiser idéalement 10 % de sa valeur
Où économiser sa mise de fonds?
On recommande généralement d’épargner sa mise de fonds dans un compte d’épargne à intérêt élevé, car il s’agit d’un argent dont on aura besoin dans une échéance de 3 à 5 ans. Il n’est donc pas recommandé de mettre cet argent en bourse, car on pourrait se retrouver avec moins d’argent s’il y a une récession ou une correction au moment où l’on souhaite retirer l’argent pour s’acheter sa maison.
Mais vous me connaissez déjà (je crois), je n’aime pas regarder mon argent perdre de la valeur dans un compte d’épargne. Donc, si on a une échéance de 3 ans ou plus pour cotiser sa mise de fonds, moi je suggèrerai de la mettre dans un portefeuille équilibré ou conservateur avec Wealthsimple (ou tout autre robot-conseiller). Le portefeuille conservateur de Wealthsimple projette un rendement annualisé de 4,71 % sur une période de 3 ans. Pour moi c’est nettement mieux que les 1 % qu’on peut avoir avec un compte d’épargne à intérêt élevé.
On peut aussi commencer avec un portefeuille audacieux ou équilibré et réduire l’exposition aux actions au fur et à mesure que l’échéance approche ou qu’on s’approche de son objectif. En procédant ainsi on se donne aussi un petit coup de pouce en profitant des revenus que peuvent apporter les actions.
Ou alors on peut combiner les deux stratégies. Économiser dans un compte d’épargne et un portefeuille d’investissement.
En investissant sa mise de fonds, on doit être prêt(e) à reporter son projet de quelques années si jamais il y a une correction ou une crise financière au moment où on veut acheter. Il faut être confortable avec ce risque.
Au début de cette année, j’ai commencé à épargner pour une mise de fonds, mais je n’ai pas d’échéance précise à laquelle je souhaite m’acheter une maison. Donc j’ai investi l’argent dans un portefeuille audacieux. Au rythme auquel j’épargne, je pense pouvoir avoir assez pour commencer à magasiner dans 3 ans.
D’ici la fin de l’année prochaine, je pourrai passer à un portefeuille équilibré jusqu’à passer à portefeuille conservateur lorsque l’échéance sera proche. Une fois de plus, je n’ai pas d’échéance fixe. Ça ne me dérangerait pas de devoir repousser le moment de l’achat de quelques années.
Compte enregistré ou non enregistré?
Si on opte pour un compte d’épargne à intérêt élevé, un compte non enregistré me parait évident. On n’a pas envie d’utiliser ses contributions aux comptes enregistrés pour 1 % d’intérêt (les comptes enregistrés ont des avantages fiscaux, il vaut mieux en profiter pour des gains en capital, intérêts et dividendes supérieurs à 1 %).
J’avais déjà parlé ici de la possibilité d’emprunter jusqu’à 35 000 $ dans son REER pour acheter sa première maison dans le cadre du Régime d’Accession à la Propriété (RAP). C’est un programme qui permet aux acheteurs d’utiliser leurs cotisations au REER pour acheter leur résidence principale. On doit rembourser l’argent emprunté dans le REER à partir de la deuxième année après l’emprunt et pour une durée maximale de 15 ans.
On peut ouvrir un REER dont les cotisations contribueront à la mise de fonds.
Personnellement je cotise ma mise de fonds dans mon CELI parce que j’ai plus de marge de contribution dans mon CELI que dans mes REER. D’ici l’année prochaine, j’aurai maximisé mes contributions aux comptes enregistrés, je recourrai alors aux comptes non enregistrés.
Contributions automatiques
Je ne pense pas qu’on doit passer des heures entières à s’occuper de ses finances. On a d’autres choses à faire et l’argent est le moyen qui nous permet d’y parvenir. Une fois qu’on a défini la stratégie et le plan d’action la suite c’est d’automatiser le tout et profiter de la vie.
Lorsqu’on a choisi où et combien on veut épargner sa mise de fonds, on doit mettre en place des virements automatiques vers le compte. Si jamais il y a des changements dans la vie comme une augmentation de salaire, la naissance d’un enfant, etc., à ce moment on se rassoit pour ajuster sa stratégie, on automatise le tout et on continue de profiter de la vie.
Si une somme d’argent imprévue nous tombe dessus, comme un remboursement d’impôts, on va la mettre dans le compte de la mise de fonds.
Optimiser son budget
L’achat d’une maison est sans doute le plus gros qu’on fera de toute notre vie. Ce n’est donc pas un achat qu’on va traiter comme un achat de vêtements ou d’épicerie. Il faut définir une stratégie comme j’ai mentionné plus haut.
Il faut revoir son budget pour s’assurer qu’on continue de vivre pendant qu’on continue à vivre. Les autres dépenses ne disparaissent pas parce qu’on cotise pour la mise de fonds. Il faut donc être sûr que son budget est optimisé c’est-à-dire qu’on a un bon contrôle sur ses entrées et sorties d’argent et qu’il n’y a pas de gaspillage.
On peut aussi décider de prendre un emploi à temps partiel dont l’entièreté des revenus va être consacrée à la mise de fonds.
La mise de fonds est juste la première étape du processus d’achat d’une maison. Lorsqu’on a économisé environ 10 % de la valeur moyenne des propriétés dans sa région, on peut passer à la prochaine étape qui consiste à se faire préapprouver par une banque pour un prêt hypothécaire. C’est avec la préapprobation qu’on s’en va donc magasiner en sachant ce qu’on peut se permettre.
Contrairement à une idée largement répandue, la mise de fonds n’est pas la seule somme d’argent qu’on doit payer immédiatement lorsqu’on achète une maison. Il y a de nombreux autres frais exigibles pour clore la transaction. J’en reparlerai dans un prochain article.