Si le budget a la mauvaise réputation qu’on lui reconnaissait au précédent article, ce n’est pas toujours parce qu’on n’est pas conscient de son utilité. La mauvaise presse du budget vient de ce qu’il nous jette à la face nos mauvaises habitudes financières. Il nous dit dans des mots (ou chiffres) crus les vérités que nous-mêmes ou personne de notre entourage n’osons nous dire : « tu es en train de t’enfoncer dans un abîme financier sans fond ».
Plutôt que de faire face à la réalité à laquelle le budget nous confronte, on préfère faire l’autruche. On se dit que le budget nous empêche de profiter de la vie. On se trouve des excuses et on remet à plus tard.
Selon un rapport de Statistique Canada de 2009, environ 51 % des Canadiens affirment faire un budget. Si tant de personnes savent qu’elles doivent planifier leurs revenus et dépenses pour en avoir un meilleur contrôle, pourquoi la littératie financière reste-t-elle si peu développée au pays ?
Le ratio d’endettement des Québécois n’a cessé d’augmenter dans les dernières années. Beaucoup de personnes seraient en défaut de paiement si elles ne recevaient pas leur prochain chèque de paie vivant donc un chèque de paie après l’autre.
Pour les immigrants, ne pas maîtriser ses finances peut constituer un handicap à long terme. Le taux de chômage des immigrants arrivés au pays il y a cinq ou moins est parfois le double des Canadiens nés ici. Même si à la longue cette situation tend à s’améliorer, il importe d’avoir un bon départ pour que les beaux jours ne soient pas obscurcis par le paiement des dettes qu’on aura accumulé lors des moins bons jours.
On l’a dit le budget est l’outil qui nous permet d’y arriver.
La difficulté n’est pas dans le budget en soi, mais dans son respect. Cela demande de la discipline et qui discipline dit arbitrage. Lorsqu’on a épuisé le budget consacré à l’achat de vêtements et qu’on reçoit un courriel de notre magasin préféré annonçant des liquidations de 70 % pour 3 jours seulement, ça prend énormément de discipline pour laisser passer cette occasion.
C’est lors de tels arbitrages que beaucoup jettent l’éponge et se disent « je travaille tellement fort, je mérite de me gâter de temps à autre ». Pourtant le budget ne nous empêche pas de nous gâter, il nous dit dans quelles limites nous gâter puisque l’argent dont nous disposons n’est pas infini.
Se fixer des objectifs
Ça a l’air bien cliché, mais si on ne sait pas pourquoi on épargne, il est plus difficile de se discipliner à le faire. Le cerveau carbure au plaisir, il faut donc déterminer l’objectif qui va nous donner notre petit « fix » de plaisir au moment où on met de l’argent de côté.
Par exemple, si on se dit qu’on épargne pour un acompte initial pour le paiement d’une maison, à chaque fois qu’on mettra de l’argent de côté pour ce projet, on n’aura aucune difficulté à s’imaginer en train de magasiner des maisons ou d’emménager dans sa nouvelle maison. Cette pensée nous apportera le même plaisir que celui de s’acheter un gadget.
En gestion, les objectifs doivent être SMART, il en est de même pour nos objectifs d’épargne. Nos objectifs doivent être Spécifiques, Mesurables, Atteignables, Réalistes et limités dans le Temps.
Se dire qu’on économise pour une maison, une voiture, des vacances, rembourser ses dettes, la retraite est une façon de spécifier ses objectifs. Ensuite on va déterminer combien cela va nous coûter. Pour une maison on va par exemple décider d’économiser 20 % du prix moyen des propriétés dans le secteur qu’on convoite. On peut aussi décider d’économiser 15 mille dollars pour s’acheter sa prochaine voiture. Dans tous les cas, il faut mettre un chiffre sur l’objectif. Ce chiffre doit être cohérent avec notre situation actuelle. Si on gagne 40 milles par an et qu’on convoite une maison dans un secteur où le prix moyen est de 400 mille, on n’est pas réaliste sur notre capacité à atteindre cet objectif dans un temps ni trop court ni trop long pour nous maintenir motivés.
Des objectifs SMART nous challengent et donnent au cerveau le « shoot » de plaisir nécessaire à chaque fois qu’on pose un acte qui contribue à leur réalisation.
Noter toutes ses dépenses
En établissant le budget, on écrit les dépenses prévisionnelles. Il est donc indispensable de noter chaque jour, les dépenses que l’on fait pour plus tard comparer le prévisionnel et le réel.
La tâche peut sembler fastidieuse mais grâce à nos téléphones intelligents, tout est simplifié. On peut utiliser une application ou un fichier Excel ou encore l’application de prise de notes du téléphone. Chaque soir ou après chaque dépense, on note ce qu’on a dépensé, la catégorie, le montant et le mode de paiement.
À la fin de la semaine ou du mois, on prend le temps de tout concilier. Les relevés bancaires et de carte de crédit peuvent aussi aider ici. On a ainsi une bonne visibilité de ses dépenses.
Bannir les paiements par cartes au profit de l’argent comptant
De nombreuses études s’accordent sur le fait que le paiement en argent comptant amène à dépenser moins, car on a plus conscience de ses dépenses. Le fait de donner des billets de banque en échange d’un produit ou service nous causerait un sentiment semblable à celui d’une séparation d’avec une ressource importante. Si le produit ou service qu’on reçoit en contrepartie ne nous apporte pas une grande valeur, on a l’impression d’avoir jeté son argent par la fenêtre.
La carte de crédit ou de débit en revanche n’est qu’un bout de plastique et les chiffres qu’on y porte ne représentent pas vraiment de l’argent durement gagné. Aujourd’hui avec le paiement sans contact, il est plus facile et sans douleur de « taper » plusieurs fois par jour pour un 5, 10, 15 $ (depuis la COVID les limites de paiements sans contact de certaines cartes de crédit sont passées de 100 à 250 $).
Pour remplacer le plastique de paiement, on recommande de faire le budget par enveloppe, c’est-à-dire retirer de l’argent pour chaque catégorie de dépenses, et de le mettre dans des enveloppes. Si une enveloppe se vide, on attend le mois prochain, mais en aucun cas on ne fait d’autre retrait à la banque si la période n’est pas terminée.
Cette méthode nous amène à gérer une somme d’argent fixe pendant une période. On peut adapter son budget en piochant dans un poste ou on a moins dépensé pour compenser un autre où l’on a plus dépensé, mais la somme d’argent pour finir la période reste la même.
On peut aussi se donner des petits challenges de finir la période avec de l’argent dans les enveloppes.
Une variante de cette méthode est d’utiliser uniquement la carte de débit c’est-à-dire l’argent dont on dispose vraiment.
Instaurer des virements automatiques
Certains l’appellent la méthode sans douleur ou encore se payer en premier. Elle permet d’économiser avant que nous soyons victimes de nous-mêmes.
Il s’agit ici de programmer des virements automatiques vers un compte d’épargne les jours de paie. Dès que la paie est déposée, un certain montant est automatiquement prélevé et transféré vers un autre compte. On réduit ainsi la possibilité de tout dépenser. On peut ainsi dépenser sans se culpabiliser sachant qu’on a déjà mis de côté une certaine somme pour réaliser nos projets.
Le compte d’épargne vers lequel on envoie l’épargne automatique doit être un compte relativement difficile d’accès. On l’a dit cette méthode a pour but de nous protéger de nous même. On va donc mettre l’argent dans un compte d’une institution différente de celle dans laquelle notre paie est déposée. Et on s’assure de ne pas avoir de carte de débit associée à ce compte.
Les banques en ligne proposent des taux d’intérêt plus intéressants que les banques traditionnelles et elles n’ont généralement pas un large réseau de succursales. De plus, les retraits prennent en moyenne trois jours ouvrables pour être traités. Ces dispositions sont de nature à nous éviter de piocher dans l’épargne une fois qu’elle a été virée dans le compte d’épargne.
Un budget ne joue pleinement son rôle d’aide à la planification que si on le suit. Pour y parvenir, on doit se fixer des objectifs par rapport à notre argent et avoir une certaine discipline afin de les atteindre. On va donc noter toutes ses dépenses afin d’avoir une plus grande visibilité, utiliser de l’argent comptant si on a du mal à respecter ses limites et se payer en premier par les virements automatiques.