Quand j’ai commencé ce blogue et ma page Instagram il y a maintenant un an, j’étais très excitée de partager ce que j’apprenais avec les lectrices et les abonnés. Je passais aussi beaucoup de temps à rechercher des chiffres pour corroborer ce que j’avais à dire. Car on a l’air plus crédible lorsqu’on dit tel pourcentage d’immigrants vit avec tel montant, elles économisent tant par année, leurs avoirs nets sont de X, Y années après leur arrivée au Canada, etc.
On voit aussi souvent sur les pages et blogues sur les finances personnelles beaucoup de données : « si tu investis tes 200 $ d’épicerie pendant 30 ans, tu auras 1,5 million, le S&P500 a eu un rendement annualisé moyen de 10 % au cours des 100 dernières années, les gens qui commencent à investir 5 $ quand ils ont 18 ans prennent leur retraite avec 2,5 millions » et j’en passe.
Tous ces chiffres sont brandis pour démontrer l’intérêt de bien gérer ses finances et d’investir tôt et régulièrement, mais la triste réalité est que cela n’est pas toujours efficace. La preuve en est que j’entends depuis des années « plus de la moitié des ménages américains n’ont pas 400 $ pour faire face à une urgence » ou encore « le taux d’endettement des ménages augmente » (et je ne pense pas qu’il s’agit seulement de l’endettement dû à l’hypothèque) et tout dernièrement avec la pandémie, on a vu beaucoup de personnes qui se sont retrouvées très vite dans la précarité financière parce qu’elles n’avaient pas un coussin suffisamment épais pour amortir la chute causée par la pandémie.
Une autre phrase que j’entends beaucoup quand vient le moment de gérer les finances personnelles c’est : « on devrait enseigner cela à l’école ». Le manque de littératie financière des citoyens est souvent imputé au manque de programmes scolaires dédiés à ce sujet. Mais à y regarder de près, on nous enseigne la division, la soustraction et l’addition depuis l’école primaire. Je ne connais pas le système scolaire canadien et québécois, mais chez nous, pour nous amener à mieux comprendre les calculs de base on nous prenait des exemples tels que « si je te donne cinq mangues, tu donnes une à ton ami Toto, une à ton amie Nana, il t’en reste combien ». Et là on comptait les mangues restantes.
La gestion des finances personnelles ça comporte beaucoup de calculs de base : « si ton salaire mensuel est de 1000 $ et que tu paies ton loyer à 500 $, la voiture à 300, l’épicerie à 200, il te reste combien ? Rien du tout ». Quand tu as aussi lu la Cigale et la fourmi, tu sais que tu dois garder un peu de tes revenus pour les mauvais jours.
Ce que je veux dire ici est que des programmes scolaires dédiés à la littératie financière ne sont pas nécessairement la solution au peu de considération que les gens accordent à leurs finances. Les connaissances que nous accumulons à l’école nous servent à analyser les situations de la vie et à prendre des décisions qui nous conviennent. Nous n’avons pas appris tout ce que nous savons aujourd’hui à l’école, mais elle nous a donné les outils intellectuels pour pouvoir faire face à la vie.
C’est pareil pour l’argent. On n’a pas nécessairement besoin de nous enseigner comment budgétiser parce qu’on a acquis le bon sens de savoir que dépenser plus que ce qu’on a nous donne un solde négatif. À l’école primaire, on nous enseignait même que 20 moins 25 n’est pas une opération possible. Des programmes scolaires qui enseigneraient aux jeunes comment investir ou acheter une maison seraient peut-être utiles, mais ça reste des réalités très lointaines pour eux. De plus, à l’heure de l’internet on n’a vraiment plus besoin de tout enseigner à l’école.
Bref, je digresse, revenons à nos moutons.
Pourquoi les faits ne suffisent-ils pas ?
J’aime beaucoup cette affirmation attribuée à l’économiste Galbraith : « Face au choix de changer d’avis ou de prouver qu’il n’est pas nécessaire de changer d’avis, la majorité des personnes vont s’évertuer à trouver la preuve ». Elle reflète bien le fait que la majorité des gens n’aiment pas sortir de leur confort. On aime la familiarité de ce qu’on connait. Et je ne vais pas m’asseoir ici et prétendre encourager qui que ce soit à sortir de sa zone de confort.
Au contraire je vais demander à la zone de confort de s’élargir pour inclure le plus de monde possible (rires)
Sérieusement, la raison pour laquelle les gens n’investissent pas et ne gèrent pas bien leur argent n’a pas tant à voir avec un manque de connaissances.
L’environnement
Je me répète peut-être, mais l’environnement dans lequel les gens grandissent influence leur perception de l’argent, des investissements, de la façon de dépenser, etc. Les personnes qui ont investi en bourse dans les années noires de grosses crises financières ne vont pas être aussi enthousiastes que nous qui commençons à peine dans un marché en tendance haussière. Certaines personnes ont aussi connu l’époque des certificats de placement garantis à deux chiffres d’intérêt. Pour ces personnes ces véhicules de placements restent les meilleurs et il serait difficile de leur faire changer d’avis parce que c’est ce qu’ils ont toujours connu.
Le besoin d’appartenance
L’être humain est un animal social. Il s’épanouit mieux dans un groupe. Parce que le groupe est indispensable à son développement, l’être humain est prêt à tout pour maintenir son appartenance au groupe.
Quand parler de ses finances ne se fait pas dans un groupe, les membres de se groupe ne se demanderont jamais aux autres comment ils font pour s’acheter les derniers modèles de voitures sur un salaire d’agent de maitrise par exemple. Les membres de ce groupe ne vont jamais parler de leurs cotisations CELI, REER ou REEE. Chacun va se débrouiller à gérer ses finances selon ses attitudes.
Je lis très souvent sur Instagram, des publications du genre, si votre groupe ne vous tire pas vers le haut, abandonnez ce groupe et trouvez-en un autre qui vous permettra d’évoluer et d’atteindre vos objectifs. C’est bien beau sur écrit de dire aux gens de laisser tomber leur groupe de référence et de s’en trouver un autre. Sauf qu’on ne parle pas ici de magasiner des vêtements ou des souliers.
Les groupes sont généralement constitués de personnes qui se connaissent depuis de très longues années tels que la famille, des amis d’enfance, des voisins. Alors, dire à une personne adulte de laisser toutes les personnes qu’elle a toujours connues et de s’en trouver d’autres, je ne trouve pas que ce soit très faisable parce que c’est très difficile de se faire des amis en tant qu’adulte.
Ce n’est pas non plus une meilleure idée pour une personne d’essayer de faire changer d’avis aux autres membres de son groupe. Tout d’un coup, tu ne vas pas commencer à vouloir faire la morale à ton entourage sur se habitude de consommation et de dépenses. On va te rétorquer que c’est comme ça qu’on fait depuis toujours et on s’en sort bien. Et si tu insistes, on va t’isoler et personne ne veut être retiré de son groupe.
J’ai personnellement fait cette expérience avec mes frères et sœurs. À un moment je suis devenue une donneuse de leçon sur comment mieux gérer son argent. Je leur proposais des challenges d’épargne pour les amener. Ça a marché pendant quelques jours et après personne ne me répondait plus quand je demandais comment se déroule le challenge. Et comme je ne voulais pas être exclue de mon groupe, j’ai arrêté.
Grâce aux réseaux sociaux, on a cette possibilité de se créer un groupe d’appartenance virtuelle dans lequel on va pouvoir parler de sujets qui nous intéressent, mais dont on ne peut pas discuter avec les membres de notre groupe habituel. C’est le cas pour ce blogue et sa page Instagram. On peut ici discuter de nos finances, poser nos questions sans tabous et partager nos expériences. C’est ainsi qu’on grandit.
Qu’en est-il si on veut amener les membres de notre groupe habituel aux mêmes habitudes ? Ça commence par le partage des lectures. On est plus à même d’être entendu lorsqu’on commence une phrase par « j’ai lu un article qui parlait de… » On va certainement se faire dire qu’on trouve de tout sur internet et qu’il faut faire attention avec ces lectures, mais plus on va partager ces idées comme étant celle d’une personne généralement crédible plus les autres sont susceptibles de nous écouter.
En écrivant ceci, je me rends compte que c’est le même processus qu’utilisent les anti-vaccins. Une personne de son entourage partage un article, on lit l’article, on trouve les idées intéressantes et nouvelles, alors on lit les liens contenus dans l’article et c’est comme ça qu’on est pris dans le tourbillon. Article après article, vidéo après vidéo. Et lorsqu’on devient trop intense pour son entourage immédiat, on a toujours les groupes sur les réseaux sociaux pour se faire une chambre d’écho à ce qu’on pense et qui dans le cas d’espèce donne l’impression de faire partie d’une élite qui voit ce que la plèbe ne voit pas.
Utiliser le processus, non pour contester les choses auxquelles on ne comprend rien et qu’on ne peur pas démontrer, mais plutôt pour changer sa vie de façon positive, en mieux gérant son argent par exemple.